Dernière mise à jour 24 septembre 2018
2011 : le tracé de la voie romaine entre Vannes et Blain a été fourni par G. Joubel
Août-Septembre 2018 : ajout d'un complément sur la section de Blain à Angers par Y. Autret
Cette voie reliait Vannes à Angers par Rieux et Blain. Après Blain, un embranchemement permettait de rejoindre Nantes mais l'itinéraire était un peu plus long que par la voie directe par la Roche-Bernard.
Au départ de Vannes, sa direction est orientée au nord-est. Au bout de 3km elle vire à l'est, puis au sud-est à partir de la Vraie-Croix. A partir de là son tracé est proche de celui de l'actuelle D775.
Cette voie a été décrite par L. Marsille [1].
A l'occasion de la construction d'une route entre Vannes et Redon en 2005, les archéologues de l'INRAP ont mis à jour la structure d'une grande voie romaine de 7 mètres de large [2] [3]. La chaussée se composait d'une couche de cailloux de taille moyenne reposant sur une couche d'argile tassée. Le revêtement était formé d'une couche de pierre plates maintenues en place par un liant.
La voie traversait la Vilaine sur un gué artificiel fait de gravier et de pierres plates [4, p. 147]. Un mansion avec un sanctuaire et des thermes est possible à proximité de la butte du Bellion .
La voie est signalée dans le "Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne" [5, p. 274] :
La voie romaine qui, selon M. Bizeul, allait de Vannes à Blain, entrait en Fégréac au sortir de Rieux, et après avoir traversé la Vilaine, elle passait au pied de la butte Saint-Jacques, traversait le coteau, puis le village actuel des Pastis; la, et tout à l'entour, se retrouvent de nombreux vestiges romains, surtout en descendant à l'écluse des Bellions, et principalement au village de la Rochelle. La voie passe ensuite près de la Coquelinais, de la Guénais et de Ménigot: puis elle disparaît dans le chemin rompu qui gagne la grande route de Redon à la Roche-Bernard, près du pont de Flandre. De ce point la voie, se dirigeant vers le sud-est, passe au Dreneuc et coupe le chemin vicinal de Fégréac a Guémené: elle s'étend ensuite sur la lande qui est au sud-est de la commune, passe à la queue de l'étang du Boussay, et entre dans la commune de Plessé. ( Voir. ce mot.) — La butte Saint-Jacques, dont nous avons parlé ci-dessus, est un monticule qui s'élève à plus de 34 m. au-dessus des eaux de la Vilaine. Elle est composée d'une roche stéaschisteuse ; ce qui exclut l'idée qu'elle ait pu être un tumulus. Au pied de cette butte, et, comme nous l'avons dit, sur le bord de la voie romaine, est la petite chapelle de Saint-Jacques, qui est, dit-on, fort ancienne. Quelquefois, lorsque le vent souffle vers l'amont de la rivière, il pousse devant lui un rouleau d'écume que les paysans de ce pays appellent le chemin de Saint- Jacques. Le saint, disent-ils, remontant la Vilaine en marchant sur les eaux, voulut s'arrêter à Rieux , mais les Huguenots le refusèrent. Ingrate ville, s'écria-t-il, tu seras détruite.» Et, continuant son chemin, il alla fonder la ville de Redon. Ce fut pour apaiser le saint qu'on lui éleva la petite chapelle qui est sous son invocation.
L. Maître rapporte qu'une aumônerie a été fondée au Rozet (aujourd'hui Rozay) en 1314 [6, p.77]]. Il rapporte également l'existence d'un chemin connu sous le nom de "Chemin des Saulniers" et de chaussée de Rozet [6, p.77], ce qui confirme un passage probable de la voie romaine au Rozet. Voir aussi [7, p. 293] qui indique que l'aumônerie du Rozet a été fondée le 6 février 1314 par le duc Artur, le chapelain devant donner l'hospitalité et l'aumône.
Le village du Bas-Gué est indiqué comme étant sur le trajet de la voie romaine . Le Bas Gué est situé à 700m de l'itinéraire que nous proposons. Une incertitude sur l'itinéraire subsiste à cet endroit.
En arrivant près de Curun, la voie passait légèrement au nord de l'actuelle D164. Voir article Blain-Missillac.
Entre Blain et La Meilleraye-de-Bretagne, la voie a été décrite par L. Bizeul [8]. Elle passerait par Saffré où deux villae gallo-romaines ont été découvertes à Mont-Noël (à 150m à l'ouest du bourg) et à la Fuie (entre le château et l'Isaac à 500m au sud du bourg) [4, pp. 139-140]. De là, elle passerait près de la chapelle Notre-Dame-des-Langueurs sur la commune de Joué-sur-Erdre, puis traverserait le Grand Réservoir de Vioreau et passerait près de l'Ancien Château de Vioreau.
Une voie supposée mener à Angers a été observée par J.-C. Meuret sur la commune du Grand-Auverné au sud du Pas Hue :
La Meilleraye-de-Bretagne : « une probable voie de Blain vers Angers existait et présente encore quelques restes près de Melleray, puis traverse la forêt d’Ancenis et se voit encore un peu à La Croix-Jouef au Grand-Auverné, au sol et surtout d’avion » (J.-C. Meuret, Archéologie, paysage et histoire d’une forêt du Néolithique à nos jours, Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, p. 26, Numéro 117-4, 2010). [9, p. 36]
La Croix-Jouef se trouve au sud du Pas Hue (cadastre du Grand Auverné de 1838, section E3). La voie est visible sur les photos satellites :
D'après L. Bizeul, la voie passait plus au sud près de l'étang du Pas-au-Chevreuil [8, p. 112] :
"Je reviens à la voie et je la reprends à cet étang du Pas-au-Chevreuil dont j'ai parlé plus haut.
C'est aujourd'hui, et depuis une vingtaine d'années, un étang desséché et converti par les trappistes de l'abbaye de Melleray, en prairies et en terres labourables. Il faisait autrefois fonctionner un haut fourneau. On venait de le mettre à sec, lors d'une visite que je fis à ces religieux, qui nous stupéfient par leur vie austère, et causent à notre mondanité une inexprimable surprise. Le R. P. Antoine eut l'extrême complaisance de me guider sur les parties du terrain où il faisait exécuter de grands travaux, et, sachant que je m'occupais de recherches sur les voies romaines, il me conduisit dans cet étang du Pas-au-Chevreuil, et, à cent pas de la chaussée, à l'intérieur, il me fit remarquer un énorme sillon de rocailles, qui traversait l'étang dans toute sa largeur et était aussi fort apparent sur les deux rives. C'était un très-beau fragment de la voie, qui, pendant bien des siècles, a été submergé par les eaux de l'étang, dans sa partie la plus profonde, et, en le retrouvant à une si petite distance en amont de la chaussée, on ne s'explique pas bien pourquoi on n'a pas placé cette chaussée sur une base aussi solide, et qui était déjà élevée de presque deux mètres au-dessus du fond du ruisseau, qui passait en cet endroit. J'ai déjà fait remarquer un exemple analogue sur la voie de Vennes à Corseul : près de Jugon, elle est encore noyée dans le grand étang qu'elle traverse."
L. Bizeul n'a pas suivi la voie plus à l'est. Il a recueilli l'avis du Dr Vaugiraud, médecin à Nort. La voie passerait près du château de la Meilleraie, puis du manoir de la Minaudière. Les photos satellites IGN 2013 et aériennes IGN 1949 [10] pourraient confirmer cette hypothèse en montrant une trace qui pourrait correspondre à la voie.
D'après L. Bizeul, la voie pourrait passer par Saint-Mars-la-Jaille. En prolongeant vers l'est, elle pourrait suivre la limite du Maine-et-Loire et de la Loire-Atlantique pour arriver à la Cornuaille, puis continuer par le Louroux-Béconnais et Bécon-les-Granits pour arriver à Angers.
Sur la commune de Bécon-les-Granits, Célestin Port signale deux voies romaines parallèles qui se rejoignent à Candé [11, p. 282]. L'une suit la limite de la Pouëze et franchit l'Erdre au Gué d'Availlé avant de rejoindre (peut-être) Candé ou Loiré ou Chazé-sur-Argos. L'autre passe par la Grande Maison, à 800m au sud-ouest du bourg, et rejoint le Louroux par le Moulin des Landes.
Le chemin qui suit la limite de la Pouëze a souvent été pris pour une voie romaine. Il est maintenant certain qu'il n'a pris son essor qu'au haut Moyen Âge [12, p. 83]. On peut penser qu'il permettait de relier Angers à Loiré ou à Chazé-sur-Argos. En 843, Charles le Chauve a choisi Loiré pour y organiser une assemblée d'évêques [12, p. 84].
Quant au chemin qui passe au sud de Bécon, N.-Y Tonnerre indique qu'il correspond à une ancienne voie de chemin de fer [12, note 35 p. 86]. Il y a bien une ancienne voie de chemin de fer parfois très proche du chemin, mais le chemin ne se confond pas avec l'ancienne voie ferrée. Il s'agit en fait de l'ancienne route de Rennes à Angers. Les cadastres du XIXe siècle fournissent une série d'indices : "Vieille route de Rennes" dans le cadastre de Beaucouzé de 1812, section B4, parcelle n°240 appelée "Chemin" dans cadastre de Saint-Jean-de-Linières de 1835, section A2, "Ancienne route de Rennes à Angers" dans le cadastre de Saint-Jean-de-Linières de 1835, section A1, "Vieille route de Candé à Angers" dans le cadastre de Saint-Léger-des-Bois de 1835, tableau d'assemblage.
L'ancienne route de Rennes à Angers par Châteaubriant se voit très bien sur les photos aériennes IGN de 1949, notamment à Troussebouc sur la commune de Saint-Jean-de-Linières où sa largeur atteint 30m. Elle pourrait passer au milieu de l'actuelle Zone Industrielle d'Angers-Beaucouzé, au sud de l'actuelle D523 où des traces sont visibles sur les photos aériennes IGN de 1949.
Cette ancienne route de Rennes à Angers ne doit pas être antique. Sur la commune de Beaucouzé, la vieille route de Nantes, indiquée dans le cadastre de 1812 (section B4), passe au nord de la D523 par Haute-Roche, alors que celle de Rennes passe au sud. Ceci montre que la vieille route de Rennes a été construite après celle de Nantes. Si la route de Nantes avait été construite après celle de Rennes, on ne voit pas pourquoi on aurait fait une nouvelle route au nord de celle de Rennes, alors que cette dernière était encore utilisée. La vieille route de Nantes est manifestement plus ancienne que les traces qu'on peut voir à 300m au sud, sur les photos aériennes IGN de 1949. De plus, le virage à Troussebouc sur la commune de Saint-Jean-de-Linières semble trop brutal pour une voie antique.
Si la vieille route de Nantes peut éventuellement correspondre à une voie antique, ce n'est pas le cas de celle de Rennes, et on n'a plus aucune hypothèse pour un itinéraire antique rejoignant Blain par Bécon-les-Granits ou le Louroux-Béconnais.
Cependant, il existe une autre voie ancienne reliant Angers au Louroux-Béconnais qui, à notre connaissance, n'a jamais été mentionnée. Suivant une direction ouest depuis Angers, elle suit l'actuelle Rue du Général Patton avant de s'en détacher pour rejoindre les Cinq Routes à la limite de Beaucouzé et de Saint-Lambert-la-Potherie. Elle passe près de l'église de Saint-Lambert-la-Potherie puis continue vers le nord-ouest, passe par la Chaussée, puis à 1700m au nord du bourg de Bécon-les-Granits. A cet endroit elle est parfaitement rectiligne sur plus de 5km. A l'Espérance, à 3km au nord-est du Louroux, elle se confond avec l'actuelle D101 sur 10km, rejoint le bourg du Louroux-Béconnais, passe au nord de l'abbaye de Pontron et au bourg de la Cornuaille. De là, elle continue plein ouest et suit la limite entre la Loire-Atlantique et le Maine-et-Loire, ce qui l'amène tout droit au bourg de Saint-Mars-la-Jaille où L. Bizeul faisait passer la voie romaine de Blain à Angers.
Cette voie existe encore sur la quasi-totalité du parcours, sous la forme d'une succession de routes et de chemins reliant directement Angers à Saint-Mars-la-Jaille. Il n'est pas impossible qu'elle corresponde à une voie antique. Les photos satellites IGN 2016 et les photos aériennes IGN 1949 de Saint-Lambert-la-Potherie à la Chaussée montrent que si une voie antique a existé sur cet itinéraire, elle pouvait être très proche de l'itinéraire actuel sans se confondre totalement.
En conclusion, même si on manque de données archéologiques pour confirmer cette hypothèse, un itinéraire antique par Saint-Lambert-la-Potherie, le Louroux-Béconnais, la Cornuaille et Saint-Mars-la-Jaille apparaît comme possible. Sur une distance de 50km, l'itinéraire évite presque tous les cours d'eau et il n'y a pratiquement aucun dénivelé.
Au sud de la Meilleraye-de-Bretagne, la voie antique venant d'Angers pourrait se fondre dans une autre qui arrive par la Forêt d'Ancenis et rejoint Blain.
Si notre hypothèse est fausse, il faudrait envisager une voie romaine Angers-Blain passant nettement plus au sud par le territoire de Saint-Augustin-des-Bois, plutôt que par celui de Bécon-les-Granits.
Y. Autret
Août-Septembre 2018