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La voie romaine de Corseul à Carhaix




Introduction

L. Bizeul a été le premier à étudier la voie romaine de Carhaix à Corseul en 1851 [1]. En 1867, J. Gaultier du Mottay en a précisé le tracé à l'est de Saint-Nicolas du Pélem [2]. En 1997, L. Langouët a publié de nouveaux éléments sur le tracé à l'est de Saint-Brieuc, et sur la branche menant à Alet [3]. En 2010, les repérages aériens effectués par M. Gautier ont permis de préciser le tracé au sud de Quintin [4].

De Carhaix à Saint-Nicolas-du-Pélem

En 1851, Bizeul a eu l'occasion de parcourir la voie romaine de Carhaix à Corseul sur environ 30km jusqu'à Saint-Nicolas-du-Pélem [1].

« J'ai eu l'occasion de parcourir moi-même cette voie depuis Carhaix jusqu'à Saint-Nicolas-du-Pellem; il y a tout lieu de croire qu'elle sort de Carhaix par un chemin encore pavé qui paraît se diriger sur la chapelle de Saint-Antoine, et que, laissant au nord les villages de Ty-Né ou Maison-Neuve et de Kervoazou, elle arrive à celui de Ker-Morvan. » [1, p. 3]

« On reconnait fort bien la voie au village de Kermorvan, et à partir de ce point on la suit très-facilement. Elle passe successivement au nord et pour ainsi dire à y toucher, de la chapelle de la Croix-Neuve (Az C'hroaz-Nevez) et des villages de Ker-David et de Quenven. [1, p. 4]

« Après Quenven, elle va passer à quelques cents mètres aussi du village de Kergue-Marec , tout près et au nord de celui de Ker-Voalec, et au village même de Ker-Gonan. » [1, p. 4]

« Au-delà du village de KerGonan, elle descend par une pente douce dans une petite vallée au fond de laquelle court l'un des plus forts affluents de la rivière d'Hière, qui va passer à petite distance de Carhaix. Les eaux ont fort dégradé la chaussée, dont on ne retrouve plus que quelques vestiges; elle reprend toute sa beauté au village de Coat-Cornet et près de celui de Quinquis qu'elle laisse au nord. » [1, pp. 5-6]

Un milliaire a été découvert sur la commune de Maël-Carhaix au lieu-dit du C'hra en 1874. Il se trouve aujourd'hui devant l'église. Les inscriptions se sont effacées avec le temps. Il indiquait une distance de 6 lieues de Vorgium (Carhaix). Carhaix étant à 13,39km du C'hra, on obtient une lieue de 2231m, la valeur officielle étant 2223m (2400 à 2500 pour l'ancienne lieue gauloise).

« A 1 kilomètre au-delà, la voie coupe la route départementale de Rostrenen à Callac. A 300 mètres au nord de cette intersection se trouve la chapelle de Saint-Guillaume; bientôt la voie arrive à un village nommé, je ne sais trop pourquoi, le Petit-Paris, dénomination que nous retrouverons bientôt près de Corlay. » [1, p. 6]

« Vis-à-vis du bourg de Ker-Grist-Moellou, qui n'en est éloigné que de 8 à 900 mètres au nord, la voie traverse un plateau peu étendu qui partage les eaux de la rivière d'Aon ou Aulne, et celles du Blavet qu'on nomme ici Blaouez, et dans le bassin duquel nous entrons. » [1, p. 6]

« Après avoir dépassé le village de Ker-Marec et franchi un petit ruisseau, la voie entre dans la commune de Plou-Nevez-Quintin, tout près et au nord du village de Prat-Jestin, passe à un carrefour où se trouve une croix très-vieille en granit, nommée la Croix-Cairon, qui pourrait bien avoir remplacé une borne milliaire. De celte croix, la voie va passer à égale distance de 2 ou 300 mètres entre les villages de Ker-Map-Ry et de Stang-Colombret au nord, et la chapelle de Saint-Colomban au midi. » [1, p. 7]

« Peu loin du village de Ker-Barnou, que la voie laisse au nord et qui est mal placé sur la carte de Cassini, on rencontre une autre vieille croix de granit nommée la croix de Moiz-Hiot. Je crois utile encore de la noter ici. » [1, p. 7]

« Après avoir laissé au midi les villages de Lesparbez et du Helou, et au nord celui de Ker-Escant, la voie arrive à la chapelle de Ker-Hir , très-joli édifice du XVIe siècle, qui certainement en a remplacé un autre beaucoup plus ancien, car on ne peut s'empêcher de croire que la consécration de ce lieu remonte à une époque fort reculée, quand on songe à l'extrême vénération qu'inspire au loin comme auprès cette chapelle dédiée à la sainte Vierge, et connue sous le nom de Notre-Dame de Ker-Hir. La tradition assure que c'est la première église bâtie dans la paroisse de Plou-Nevez, dont le nom, qui signifie paroisse neuve, indique en effet une évidente postériorité. » [1, p. 7]

« Au-delà de la chapelle de Ker-Hir, placée au sommet du coteau au bas duquel coule le ruisseau du Fourdic, qui peu après va se jeter dans le Blavet, la voie descend ce coteau par une pente très-douce ménagée dans la longueur de sa déclivité et vient traverser le Fourdic à un petit pont nommé le Pont-Hir (pont long) ; c'est là qu'elle se confond avec la route départementale de Rostrenen à Corlay, qui a été tracée sur la voie depuis le Pont-Hir jusqu'au pont de la Picardie sur le Blavet. » [1, p. 8]

« Ce fut sur la route moderne au-dessus du Pont-Hir, vers Plou-Nevez, et à quelques pas de la voie-romaine, qu'en 1835 je rencontrai, sur un tas de macadamisage destiné à l'empierrement de la route, le tronçon brisé d'une colonne milliaire en granit, portant un fragment d'inscription dont les lettres ont 2 pouces et demi de hauteur. Cette colonne. qui devait avoir 19 à 20 pouces de diamètre, venait tout récemment d'être mise en morceaux par le cantonnier; et si le précieux tronçon n'avait pas eu le même sort, c'est que le temps avait manqué à l'ouvrier. J'étais accompagné du maire de Plou-Nevez-Quintin, M. Berthelot, à qui je recommandai vivement de sauver de la destruction cet intéressant débris; et, en effet, je pus l'année suivante l'examiner à loisir dans le cimetière de la paroisse, où le maire l'avait fait transporter. » [1, p. 8]

Le fragment de borne milliaire a servi à construire le presbytère sept ans plus tard. Les notes de Bizeul ont permis de montrer que le milliaire datait de Septime-Sévère (193-211) [5]. Il devait être à 7 lieues (15,56 km) de celui de Maël-Carhaix.

« Après avoir franchi le ruisseau de Fourdic ou Froudic au Pont-Hir, la voie, sur laquelle a été très-exactement tracée la route départementale de Rostrenen à Corlay, passe tout près et au sud du village de Ker-an-quen-ven, dont le nom signifie à la lettre village du chemin blanc. Nous avons déjà expliqué, d'après M. Croizer, ce nom de Quenven, chemin blanc, ou plutôt derenu blanc à force d'avoir été battu, fréquenté, un grand chemin: signification qui trouve ici son application parfaite. De là, la voie laisse à 300 mètres au midi les villages de Ker-Amezre et de Ker-Mab-an-Gall, puis au nord, à 400 mètres, ceux de Ker-Brezos et de Garviniou; enfin elle arrive au pont de la Picardie sur le Blavet. » [1, p. 12]

« C'est à ce pont que sort de la voie llIl embranchement se reudant à Rostrenen, en traversant en son entier la commune de Plou-Nevez-Quintin et en partie celle de Plou-Guer-Nevel et de Ker-Grist-Moellou. » [1, p. 12]

« J'ai jugé que des recherches plus persistantes dans la direction du nord pourraient bien faire trouver une autre voie romaine arrivant du haut de la montagne au pied de laquelle se trouve la Picardie, voie qui aurait établi une communication avec quelque établissement romain du pays de Tréguier; mais je répète que ceci n'est guère encore qu'une conjecture, que des recherches subséquentes pourront détruire ou confirmer. » [1, p. 13]

« La voie que nous suivons quitte, au village de la Picardie, la route départementale, et au lieu d'aller avec elle à Saint-Nicolas-du Pellen, elle gravit le coteau à droite et va passer à la chapelle de Saint-Hervé. » [1, p. 13]

« De la chapelle Saint-Hervé la voie, laissant à 4 ou 500 mètres au nord le village de Saint-Nicolas du-Pellen, va couper à angle aigu la grande route de Corlay, tout près du château de Lestorec, à l'endroit même où est planté un tronc de bois destiné à recevoir des offrandes, je ne sais pour quel objet. » [1, p. 14]

« Me voici arrivé au terme de l'exploration personnelle que j'ai faite de la voie depuis Carhaix jusqu'auprès de Saint-Nicolas, » [1, p. 13]

De Saint-Nicolas-du-Pélem à Quintin

« On m'a assuré dans le pays que de l'endroit où la voie coupe la grande roule moderne de Saint-Nicolas-du-Pellen à Corlay elle va passer au village de Ker-Lehun » [1, p. 14]

« La voie, d'après les mêmes renseignements locaux, atteint bientôt le village du Petit-Paris, écrit Parisis sur la carte de Cassini; là, elle coupe la route moderne de Corlay à Guingamp. Parisis est à plus de 2 kilomètres au N. de Corlay. L'ancienne route vicinale de Rostrenen à Quintin y passe; mais je ne suis pas très-sûr qu'on n'ait pas confondu cette route avec la voie romaine. » [1, p. 14]

En 1867, J. Gaultier du Mottay précise le tracé :

« On suit la chaussée de l'étang du Pélinec, en se dirigeant vers le village de Lannier, situé dans la commune du Haut-Corlay; mais il faut s'arrêter à trois cents mètres, en avant de ce village, au point d'intersection de plusieurs routes, et choisir celle qui se dirige vers le nord-est, en laissant à gauche la maison de Kergoff. On trouvera, tout en marchant, quelques débris de la voie qui, dans cette partie, limite la commune du Haut-Corlay, sur un parcours de cinq kilomètres, C'est au point où le chemin que nouns suivons coupe la route impériale de Napoléon-ville à Guingam, à mille deux cents mètres, nord de Corlay, que, malgré ses antipathies et ses préventions contre tous les débris gallo-romains, M. de Fréminville a été obligé de la reconnaître en 1837. « Sur la route de Guingamp, dit-il, à un quart de lieue du château de Corlay, on aperçoit, à droite, la coupe verticale d'une voie romaine, reconnaissable à ses couches alternatives de gros sable et de petites pierres plates, déposées par assises, La hauteur de celle coupe est de trois pieds, mais la largeur de la chaussée que l'on retrouve entière dans une lande peu éloignée, est de pieds, est de quarante-cinq pieds »
Celte lande est celle de Kergolio, établi l'hippodrome où, chaque année, ont lieu les courses de Corlay. La voie, encore très-visible en cet endroit, coupe l'hippodrome en deux et se dirige la chapelles de Sainte-Geneviève. De ce lieu, elle se rend à Kerc'houant en passant sous le Tertre aux Coulombs.
...
Dans cette partie de son parcours, la voie se montre pour ainsi dire à nu. Son pavé, régulièrement enchassé dans le sol est encore intact sur un grand nombre de points; on peut la suivre ainsi sur une étendue de plus de trois kilomètres.
LE VIEUX-BOURG. Avant d'arriver à Kerc'houant, on trouve une petite enceinte fortifiée qui parait coupée par la voie.
...
Reprenons maintenant la voie, ou, pour nous servir de l'appellation locale, le Hent-Coz et marchons vers le Roscoat. Non loin de ce lieu, nous trouverons, sur le bord de la route, une magnifique croix monolithe de grande dimension et aplatie, au centre de laquelle se trouve sculptée en bosse une croix grecque, insérée dans un cercle également en relief. Sur chacune des traverses horizontales se trouve aussi gravé, mais en creux et de chaque côté du médaillon central, le Chi grec.
...
A partir du Roscoat, la voie se dirige vers la Ville au Traître, et vient se perdre à Kéricoët dans le chemin de grande communication, N° 52. »

En 2010, à l'occasion d'une campagne de répérage aérien, M. Gautier a repéré la voie antique au Haut-Corlay près du village de la Garenne-Marmignon [4, Le Haut-Corlay, p.31], à deux kilomètres au sud de l'itinéraire proposé par J. Gaultier du Mottay.


La voie au Haut-Corlay, près de La Garenne Marmignon

L'itinéraire découvert en 2010 correspond très probablement à la voie antique. Cette dernière a également été observée plus au nord au Moulin-Neuf sur la commune de Lanfains [4, Lanfains, p.30]. Quant à l'itinéraire passant plus au nord, il s'agit peut-être d'une branche antique dont la destination reste inconnue.


La voie à Lanfains, près du Moulin Neuf

Plus au nord, la voie passe vraisemblablement par Carestiemble où l'itinéraire devient incertain. Elle pouvait ensuite passer par Saint-Eutrope et à 500m à l'est du bourg de Quintin.

De Quintin à Yffiniac

A Saint-Brandan, la voie entre dans la commune a Roquiniac et elle a été observée sous la forme d'un bombement dans un champ près du hameau du Rillan [6, p. 274].

Plus au nord, la voie est connue sous le nom de Chemin Noë. Sur la commune de Trégueux, une branche antique est possible vers Pontrieux.

De Yffiniac à Corseul

Entre Yffiniac et Corseul, la voie a été étudiée par L. Langouët en 1997 [3]. On notera une rare section de voie antique parfaitement rectiligne entre les Ponts Neufs et Saint-Alban. Au nord-est des Ponts-Neufs, une déviation était utilisée jusqu'aux années 1950. Une borne Michelin est encore en place.

Entre Yffiniac et Saint-Alban, plusieurs embranchements antiques sont possibles: des Pont Neufs vers Hillion, et de Saint-Alban vers Saint-Maurice voire Morieux et Hillion. Ils restent à étudier.

A La Boullie, une voie antique part vers l'estuaire de la Rance. Elle semble antérieure à la voie venant de Corseul.

Questions sur l'itinéraire de Yffiniac à Corseul

L'itinéraire entre Yffiniac et Corseul décrit une large courbe par le nord et on peut se demander s'il n'existait pas un itinéraire plus direct par Lamballe. A ce sujet, J. Gaultier du Mottay indique comment il a trouvé une voie qu'il suppose antique entre Corseul et Lamballe [2, pp. 123-128]:

« Et tout d'abord dirai-je, comment mon embarras a été grand pour trouver la trace de cette voie. Comment, parti de Lamballe pour me diriger dans l'est je me serais exposé à une recherche inutile ou du moins incertaine, si le digne curé qui desservait, en 1863, la paroisse de La Poterie et une autre personne de la même commune, ne m'avaient aidé dans mon exploration de la manière la plus fructueuse. En effet, à peu de distance de ce dernier bourg, se trouve la ferme de La Marre. Dans un bois taillis qui en dépend, on voit un tumulus évidemment fait de main d'homme, monument véritablement celtique, appelé dans le pays le château des moines. Près de ce tumulus, apparaît tout-à-coup un chemin, à la vérité peu battu en cet endroit, mais formé de plusieurs couches de pierres de quartz, placées avec régularité et encadrées par d'autres pierres plus fortes. Ce chemin, un peu bombé dans son axe, et élevé généralement au-dessus des terres qu'il traverse, est appelé la Sente pavée. Sortant du bois de La Marre, il traverse, en se dirigeant vers l'est, le village de Saint-Robin, puis la vaste lande que couvrait, au onzième siécle, la forêt de Lanmor. Il traverse ensuite la lande du Gast, sur la commune de Trégomar, pour gagner le village de Monjugien, dans la commune de Quintenic. »

Y. Autret
Février 2017

Références

  1. L. Bizeul. Voie romaine de Carhaix à Corseul. Association Bretonne volume III Congrès de Morlaix. B.A.A.B. 1851 pp. 3-67. En ligne sur http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207466w
  2. J. Gaultier du Mottay. Recherches sur les voies romaines du département des Côtes-du-Nord. Société d'Emulation des Côtes-du-Nord. Appendice tome V 1867.
  3. L. Langouët. La voie romaine Corseul - Baie de Saint-Brieuc et son insertion dans le paysage. Centre Régional d'Archéologie d'Alet. Ce.R.A.A. n°25 1997. pp. 33-50.
  4. M. Gautier. PROSPECTION-INVENTAIRE BASSIN OCCIDENTAL DE LA MOYENNE VILAINE, CENTRE BRETAGNE, TREGOR, BASSIN DE CHATEAULIN. Service régional de l'archéologie de Bretagne (SRA). 2010 RAP01005. En ligne sur http://bibliotheque-numerique-sra-bretagne.huma-num.fr/s/sra-bretagne/item/24442
  5. P. Merlat et L. Pape. Bornes milliaires osismiennes. Mémoires de la Société d'histoire et d'archéologie de Bretagne. MSHAB, tome XXXVI, 1956, pp. 5-40.
  6. C. Bizien-Jaglin, P. Galliou et H. Kerébel. Carte archéologique de la Gaule Côtes-d'Armor. Maison des Sciences de l'Homme. Paris 2002. 408 pages.