Dernière mise à jour 3 novembre 2018
De nombreuses traces d'occupation anciennes ont été découvertes dans la région de Gouarec. En 1834, en construisant le pont de la Villeneuve au sud-est de Gouarec, on découvrit deux statuettes ainsi qu'une grande quantité de grands bronzes romains (sesterces) [1, p. 154]. En 2008, le diagnostic entrepris au nord de la chapelle Saint-Gilles à Gouarec a permis de dégager le plan complet d'un établissement gallo-romain de 300 m2 [2].
En 2005, le projet d'aménagement d'une route à quatre voies au nord de Gouarec a entrainé la réalisation d'un diagnostic archéologique. En 2009, le site du Haut Kerrault en Laniscat a fait l'objet de recherches complémentaires sur une surface de 3 hectares. Un imposant établissement agricole a été mis en évidence. Entre le IIe et le début du Ier siècle avant J.C., il est apparu que son activité principale devait être le stockage de productions meunières. Un important dépôt monétaire de 545 monnaies en alliage d'or et d'argent (électrum) y a été enfoui vers le milieu du Ier siècle avant J.C. [3]
Une voie antique traverse le site du Haut Kerrault. Venant du nord, elle croise sur la commune de Laniscat une voie est-ouest menant à Carhaix, puis franchit le Blavet. Nous allons d'abord suivre cette voie sud-nord depuis Gouarec jusqu'au Sépulcre sur la commune Plérin près de Saint-Brieuc. Nous examinerons ensuite les prolongements possibles au sud de Gouarec.
La voie devait franchir le Blavet, soit au confluent du canal de Nantes à Brest, soit légèrement en amont. Elle traversait ensuite le le site de l'Age du fer du Haut Kerrault [3, p. 13]. Plus au nord, elle est bien visible dans le parcellaire ou les photos aériennes.
Au nord de la Ville Blanche sur la commune de Canihuel, la voie croise celle de Carhaix à Corseul. Le croisement est bien visible sur les photos aériennes IGN de 1952 [4]. En 1850 Bizeul a parcouru la voie de Carhaix à Corseul jusqu'à Saint-Nicolas-du-Pélem [5]. Pour la suite, L. Bizeul s'appuie sur les renseignements qu'il a obtenus:
« La voie, d'après les mêmes renseignements locaux, atteint bientôt le village du Petit-Paris, écrit Parisis sur la carte de Cassini; là, elle coupe la route moderne de Corlay à Guingamp. Parisis est à plus de 2 kilomètres au N. de Corlay. L'ancienne route vicinale de Rostrenen à Quintin y passe; mais je ne suis pas très-sûr qu'on n'ait pas confondu cette route avec la voie romaine. » [5, Mémoires p. 14]
Les doutes de L. Bizeul étaient fondés. La voie de Corseul suit une direction ouest et passe à environ 1km au nord de Corlay. La voie qui passe au Petit-Paris suit une direction nord/nord-ouest. A cet endroit elle suit la limite de Canihuel et du Haut-Corlay. A Ker Martail elle devait s'écarter légèrement de cette limite. Plus au nord, au niveau de la chapelle de la Trinité en Canihuel, la cartographie ne permet pas de retrouver l'itinéraire antique.
Sur la commune du Vieux-Bourg, la voie devait suivre l'actuelle D28 entre Toul an Dressen et Pontyr. Plus au nord, les photos aériennes IGN de 1952 la montrent passant par la Croix Courte et le Tertre. La carte du réseau viaire SRA [6] indique un passage par le sommet du Tertre. Les photos aériennes IGN de 1952 indiquent un itinéraire plus plausible contournant la butte du Tertre par l'est.
Après avoir suivi brièvement la limite entre Saint-Gildas et le Leslay, la voie suit celle du Foeil et du Leslay. On est alors à 3,6km du bourg de Quintin. D'une longueur de 1400m, l'allée du château de Beaumanoir (commune du Leslay) débouche sur la voie. On arrive ensuite sur la limite de Cohiniac et du Foeil et la voie prend la direction de Saint-Donan.
Sur la commune de Saint-Donan, la voie devait passer par le château du Rufflet. Des traces sont visibles sur les photos aériennes IGN 1952. Sur les photos aériennes IGN 2008, elles le sont également à l'ouest de Billiet Montfort [7, p. 70]. Sur les photos satellites IGN 2015, on les devine à peine. Plus au nord, à l'ouest du Gué sur la commune de Plerneuf, les traces ne sont visibles que les photos aériennes IGN 1983 [8, p. 50]. De là on rejoint le bourg de Trémuson en suivant la limite entre Plerneuf et la Méaugon.
A partir de Trémuson, la voie semble se diriger vers la Pointe du Roselier en Plérin où un éperon barré protohistorique a été signalé [1, p. 187]. Le rapport de fouilles préventives INRAP 2018 précise que la voie « pourrait desservir à la fois l’oppidum et les différents établissements antiques du secteur, notamment la villa de Port-Aurel » [9].
La voie devait suivre la limite de Pordic et de Plérin par la Haute Rue et le Sépulcre. Plus à l'est, on a un prolongement possible vers le bourg de Plérin par la Ville-au-Roux. Cet itinéraire est vraisemblablement médiéval. Il a pu être créé pour relier la route venant de Lanvollon (actuelle D6) au centre de Saint-Brieuc en passant par le Pont de Gouët. En 1813, le cadastre de Plérin montre que l'actuelle D6 n'existait pas entre le Sépulcre et le Pont de Gouët. On passait par le bourg de Plérin et la Ville-au-Roux.
Après le Sépulcre, la voie antique devait, non pas prendre la direction du Pont du Gouët au sud-est, mais suivre une direction plein est pour contourner par le nord un affluent du Gouët. Ceci nous mène au lieu-dit les Rampes en suivant un parcours proche de l'actuelle D36.
La voie antique devait passer légèrement au nord de l'actuelle D36. En 1813, le cadastre de Plérin indique qu'il pouvait rester un vestige de cet itinéraire, le chemin qui reliait le Champ Méhaut (les Champs Hauts dans la carte de l'état-major) aux Rampes.
Après les Rampes, la voie devait continuer vers le sud-est jusqu'au sud de la Ville Erdoré, puis rejoindre la Pointe du Roselier et/ou Port Aurel (aujourd'hui Saint-Laurent-de-la-Mer).
Au sud-est des Rampes, on a bien un itinéraire d'apparence antique qui passe à 500m au nord-est du bourg de Plérin. Ce sont les actuelles rues Jules Lesquier, du 8 Mai 1945, et de la Noë Rido. Cependant, l'itinéraire n'est pas logique. Il passe trop au sud. Pour aller des Rampes à la Pointe du Roselier, compte tenu de la topographie, il serait logique de passer au nord de la Ville Erdoré. Pourtant, le chemin qui relie la Pointe du Roselier au sud de la Ville Erdoré semble très ancien. Le cadastre de Plérin de 1813 montre qu'il s'embranche dans le chemin qui mène aux Rampes, et ne se prolonge pas vers le bourg de Plérin. Un autre itinéraire plus ancien est improbable entre les Rampes et la Pointe du Roselier.
On doit envisager une nouvelle hypothèse. La voie venant de Gouarec s'arrête aux Rampes. A cet endroit elle rejoint une autre voie antique qui vient du nord et se dirige vers l'embouchure du Gouët. À 300m au sud de la Ville Erdoré, une branche se détache vers le nord-est pour rejoindre la Pointe du Roselier et/ou Port Aurel.
Une voie littorale nord-sud passant aux Rampes pouvait-elle exister ? Le cadastre de Pordic de 1813 mentionne le Vieux chemin de Bernain de Binic à Pordic (section B1) qui passe par Binic, la Plage de la Banche, le Tertre Mal, et à 200m à l'est de l'église de Pordic. Ce chemin continue vers les Rampes sur la commune de Plérin, passe par le Petit Couvran, et rejoint le Gouët près de son embouchure, en un lieu appelé Carrefour du Pré au Doré dans le cadastre de Plérin de 1813 (section B1). Le chemin semble franchir le Gouët, passer à 200m au sud de la Tour de Cesson, puis traverser la Baie de Saint-Brieuc et rejoindre Hillion.
En conclusion, à partir des Rampes, on peut penser que la voie de Gouarec s'embranchait dans une voie nord-sud venant de Binic. Elle la suivait pendant 1800m avant de s'en détacher pour rejoindre la Pointe du Roselier où un éperon barré protohistorique a été signalé [1, p. 187]. Une branche secondaire pouvait se détacher pour rejoindre Port Aurel où un important établissement gallo-romain comportant un bâtiment thermal a été découvert [1, p. 188]. Le cadastre de Plérin de 1813 indique que le chemin qui mène à la Pointe du Roselier par la Ville Agan s'appelle le Chemin du grand fossé. Le même cadastre indique également qu'en 1813, il n'y a qu'un chemin menant à la Baie de Saint-Laurent (Port Aurel), c'est le Chemin Chartier qui passe par Port Horel.
D'après la carte du réseau viaire SRA [6], une voie antique venant de l'ouest de la Baie de Saint-Brieuc passerait par Gouarec puis irait s'embrancher dans la voie Carhaix-Castennec pour rejoindre Locmariaquer ou Vannes. Cette hypothèse n'est pas très réaliste parce qu'on fait un détour d'environ 15km vers l'ouest. Un passage par les environs de Mûr-de-Bretagne et de Pontivy aurait été plus logique pour rejoindre Locmariaquer ou Vannes.
Au sud de Gouarec, une autre hypothèse peut être envisagée, une continuation vers Guémené-sur-Scorff puis Plouay ou Inzinzac [10]. On aurait alors un itinéraire qui relie la Manche à l'Atlantique en suivant une direction nord-est/sud-ouest.
De Gouarec à Trémuson, sur 42km, on a un bel itinéraire très bien conçu. Créé vraisemblablement à l'Age du fer, il suit les lignes de crêtes ou leurs rebords.
Aboutissant vraisemblablement à Port Aurel dans la Baie de Saint-Brieuc, il reste maintenant à trouver son origine au sud.
Y. Autret
Août 2018