Dernière mise à jour 11 mai 2018
Une mention de "via publica" datée de 871 dans le cartulaire de Redon nous amène à nous interroger sur l'existence d'une voie antique passant par Rostrenen et Pontivy. Une telle mention s'applique souvent aux voies antiques.
Au XVIIIe siècle, pour aller de Rostrenen à Pontivy, on suivait la route royale n°164. Cette dernière reliait Brest à Angers par Carhaix, Rostrenen, Pontivy, Josselin, Ploërmel et Redon. Entre Landerneau et Carhaix elle est confondue ou très proche de l'ancienne voie romaine. C'est également le cas entre Carhaix et Rostrenen. Au bourg de Rostrenen, à 400m à l'est de la chapelle Saint-Jacques, alors que la voie romaine continue vers Gouarec à l'est, la route royale bifurque à angle droit vers le sud pour rejoindre Pontivy. A la sortie de Rostrenen, il reste des vestiges du pavement du XVIIIe siècle. Après la rue de la Corderie, la route royale rejoint l'actuelle D31 à 500m au nord-est de la chapelle de Locmaria. Juste avant la D31, un tronçon de 500m est resté préservé. La largeur entre talus est à cet endroit de 13m. Au Moustoir, on a découvert une pierre tronconique d'environ 2m de hauteur. Un écriteau indique: "Borne milliaire trouvée sur la voie romaine à 150m au Moustoir". Il s'agit d'une stèle de l'âge du fer qui peut avoir été utilisée comme milliaire.
Dans cet article, on va examiner la possibilité d'une voie antique parallèle à la route royale entre Rostrenen et Pontivy.
Au nord-est du bourg de Silfiac le cadastre napoléonien mentionne un "vieux grand chemin de Rosternen à Pontivy" qui se prolonge sur la commune Sainte-Brigitte sous l'appellation "grand chemin de Pontivy à Rosternen" puis "vieux chemin de Rotternen à Pontivy".
Ce "vieux grand chemin" correspond également à une "via publica" décrite dans un acte de 871 du cartulaire de Redon [1]. Cette dernière mention est d'autant plus intéressante que le terme "via publica" correspond généralement à une voie romaine. Le texte a été étudié par M. de Keranflec'h qui a présenté ses conclusions au congrès de l'Association Bretonne à Pontivy en 1886 [2]. Il est suffisamment explicite pour identifier la "via publica" au "vieux grand chemin" mentionné dans le cadastre napoléonien sur les communes de Silfiac et Sainte-Brigitte.
+ L'acte de 871 du cartulaire de Redon décrypté, la via publica localisée à Sainte-Brigitte
Une enquête de 1479 mentionne un chemin de Pontivy à Perret passant par Saint-Mériadec [3, page cc suppléments aux preuves]. Ce document nous renseigne sur le chemin au XVe siècle. Si la voie ancienne suit une direction sud/sud-est, le passage par Saint-Mériadec est très probable pour franchir le Blavet à Pontivy. Si elle suit une direction est, elle peut franchir le Blavet au nord de Pontivy.
+ Chemin de Pontivy à Perret par Saint-Mériadec mentionné en 1479
Une étude de P. Naas confirme l'antiquité de cette voie. La trace de cette voie reste présente dans le paysage [4, p.147].
Sur la commune de Plélauff, la carte archéologique de la Gaule [5, p.217] mentionne une mine de plomb vraisemblablement exploitée à l'époque romaine: "Terriroire considéré comme dépendant de la civitas des Vénètes (Vannes). Au Moustoir, sur l'itinéraire de la route royale à 1,5km au sud-ouest du bourg, stèle de l'âge du Fer, tronconique, haute de 1,59m, réutilisée comme croix, pouvant avoir servi de borne milliaire. A Pont Névez, à 500m au nord du bourg, mine de plomb-zincifère ayant été exploitée de manière certaine au haut Moyen Age, quasi-certaine au Ier er IIe siècle, et peut-être à l'âge du fer."
Au sud-est de Sainte-Brigitte, les mentions du type "Vieux chemin de Rotternen à Pontivy" semblent correspondre à la mention "via publica" du cartulaire de Redon. Ainsi, une voie antique pourrait suivre la limite de Sainte-Brigitte et de Cléguérec dans la forêt de Quénécan. Elle est bien préservé dans la traversée de la forêt où sa largeur entre talus est de 8m. A 100m du chemin, la fontaine monumentale de Saint-Guérec semble réutiliser des pierres d'origine inconnue (inscription tronquée "CARIFLEB:" et demi-colonnes à base moulurée).
Au niveau du village de Tosten, la voie quitte l'actuelle goudronnée pour suivre un chemin creux de 8m large qui débouche à 200m à l'est de Guerihuel et à 500m de la chapelle Sainte-Anne de Boduic. Cette chapelle a été relevée sur les ruines d'une ancienne chapelle Saint-Jacques.
Au sud du Tosten, la voie négocie une vallée et une source en faisant deux virages consécutifs. Elle reprend ensuite sa direction sud-est. Au niveau de la Haie de Boduic le cadastre de 1836 de Cléguerec lui fait suivre un parcours en escaliers pour rejoindre Pont Sémeter où elle franchit le Ruisseau de Stang Ihuern. Elle passe ensuite par Pontic Meïn et arrive au bourg de Clégurec.
Au sud-est du bourg de Cléguérec, la voie passait par la Rue des Prés et rejoignait l'Impasse de Bellevue. Elle passait le ruisseau du Guernic près de Pontouar et de la chapelle Saint-Jean. Au sud du château de Beauregard, l'itinéraire est incertain. Il réapparaît sur la commune de Pontivy et passe Stival (Saint-Mériadec) avant de rejoindre le Blavet.
Un pont est attesté à Pontivy en 1228 [6, p.6]. Selon la légende, un pont avait été construit à Pontivy en 690 par saint Yvi.
Au nord-ouest de Sainte-Brigitte, les mentions dans le cadastre napoléonien disparaissent. Cependant, comme au sud-est de Sainte-Brigitte, la voie apparait nettement sur les photos aériennes de 1952 [7]. Elle devait passer à 100m au sud de l'église de Perret. La grande pierre située dans l'angle sud-est de l'enclos est probablement une stèle de l'âge du fer [5, p.199]. Sa section est carrée, elle est haute de 2m, large de 50cm, et pourrait avoir été utilisée comme milliaire. et à 200m au nord de la chapelle de Guermané avant d'arriver à Saint-Roc'h. La chapelle Saint-Roch a été détruite au cours du XXe siècle. D'après R. Couffon [8, p.227] qui a pu l'observer en 1940, elle dépendait de la seigneurie de Crenartz et avait été rebâtie à l'emplacement d'un ancien monastère dédié à saint Serge et Bacchus. Ce monastère est mentionné dans un acte de 871 du cartulaire de Redon.
La route royale passe également par Saint-Roc'h et on peut se demander si la route royale et la voie antique se confondent jusqu'à Rosporden. Cela est peut probable parce qu'à Rosporden la route royale suit une direction parallèle à la voie romaine Rennes-Carhaix avant de couper cette dernière à angle droit.
L'itinéraire antique probable apparaît nettement sur les photos aériennes de 1952 [7]. Il rejoint Plélauff par Pont ar Len. La jonction avec la voie romaine de Rennes à Carhaix est probable à l'ouest de Kerber en Plouguernével.
Si les voies venant de Rennes et de Pontivy fusionnent près de Kerber sur la commune de Plouguernével, la voie venant de Pontivy ne peut mener qu'à Carhaix.
A l'est de Pontivy, on peut envisager trois continuations : Rohan, Josselin et Vannes. Une continuation vers Vannes paraît improbable. La voie romaine Vannes-Carhaix passe plus au sud par Castennec ce qui raccourcit nettement l'itinéraire. Une continuation vers Rohan est envisageable, mais la direction de la voie change en passant de sud-est à plein est. Une continuation vers Josselin semble plus plausible. En conservant sa direction sud-est, la voie pourrait continuer vers Ploërmel, Guer, Maure-de-Bretagne, Bain-de-Bretagne, Pouancé, voire Angers.
La question d'une voie romaine reliant Angers à Carhaix reste ouverte. En 1927, dans étude sur les voies romaines d'Ille-et-Vilaine, P. Banéat a proposé une voie romaine reliant Angers à Carhaix [9]. En 1929, L. Marsille a fait la même proposition pour le Morbihan [10]. Partant d'Angers, la voie proposée suit une direction nord-est et passe par Pouancé, Bain-de-Bretagne, Lohéac, Maure-de-Bretagne. Elle vire ensuite au sud-ouest et passe par Missiriac et Sérent. Elle rejoint ensuite près de Plaudren la voie romaine de Vannes à Carhaix pour suivre une direction nord-ouest jusqu'à Carhaix par Castennec.
En 1990, L. Pape fait de cette longue voie « stratégique » l'ultime étape du programme routier conçu par Agrippa, gouverneur de la Gaule transalpine en 39 ou 38 av. J.-C. [11, p. 303]. En 1995, J.-P. Pincemin remet en cause cet axe transpéninsulaire [12]. En 2000, S. Le Pennec émet également des doutes sur cet itinéraire [13, pp. 48-50].
Tel qu'il a été proposé, l'axe Angers-Carhaix pourrait effectivement être une construction imaginaire raccordant des sections de divers itinéraires antiques.
La section de Maure-de-Bretagne à Missiriac pourrait n'avoir aucun lien avec un itinéraire reliant Angers à Carhaix. Elle pourrait appartenir à la voie romaine reliant Rennes à Vannes.
La section reliant l'Anjou à la Bretagne par Bain-de-Bretagne, Lohéac et Maure-de-Bretagne, semble quant à elle antique. La mention "viam publicam Novae Villae quae ducit in Britannia et in Andegaviam" (voie publique de Neuville qui conduit en Bretagne et en Anjou), citée dans la pancarte de Carbay au milieu du IXe siècle, pourrait l'indiquer [14, p. 11]. Cette mention concerne la chapelle de Dougilard située à 7km à l'ouest de Pouancé. La chapelle est située au bord d'une voie d'apparence antique qui se dirige vers le nord-ouest, vraisemblablement vers Bain-de-Bretagne par la Forêt de Teillay. Au niveau de Maure-de-Bretagne, la voie venant d'Anjou pourrait, non pas se fondre dans la voie de Rennes à Vannes, mais la croiser. C'est du moins ce que laisse penser le cadastre de Maure-de-Bretagne de 1830 (voir ci-dessous).
Au sud-ouest de la section U8 du cadastre de Maure de 1830, la voie venant de Vannes par Missiriac devait suivre la limite entre les Brulais et Maure. Cette même section U8 indique deux continuations possibles pour la voie, soit une continuation plein nord en suivant la limite entre Maure et Les Brulais (limite ouest de la section U8), soit une continuation vers le nord-est. La continuation plein nord parait improbable. Quant à la continuation nord-est, elle est visible sous la forme d'une ligne formée par des limites de parcellaires. Elle indique sans ambiguïté un croisement, et non pas une jonction avec la route reliant les Brulais à Maure.
Si la voie de Vannes à Rennes croise la route de Maure aux Brulais, peut-on envisager une origine antique à cette dernière ? On peut seulement dire qu'elle est très bien alignée sur le parcellaire. A l'ouest des Brulais, elle devait rejoindre Guer par la Feuillardais et le Coudray, puis en franchissant l'Aff au Pont Saint-Melaine.
Entre Guer et Ploërmel, les itinéraires ont varié au cours du temps. L'un d'eux nous paraît particulièrement intéressant. Il longe l'Oyon par le nord sur 8km avant de passer au sud pour rejoindre Ploërmel. Il est mentionné dans le cadastre de Porcaro de 1848 sous le nom de « Vieux grand chemin de Ploermel à Guer » (sections H3-H4), ou Vieux chemin de Ploermel à Guer (section H5). On le retrouve sur la commune d'Augan sous le nom de « Ancien chemin de Ploermel à Guer » (cadastre de 1848, sections M1,M8,M7,M6,M5,P2,Q1,Q4,Q5,P5).
Sur la commune de Porcaro, le chemin passe près de la Vallée-Bouillante où les prospections aériennes ont mis en évidence un important éperon barré [16, p. 269]. A 1km au nord-est, à la Démardais. une fouille de sauvetage a mis en évidence les vestiges d'une grande villa installée sur 15000 m2 [16, p. 269]. Dans le voisinage, près de Busson, un autre un gisement de surface gallo-romain important a également été reconnu [16, p. 269].
A l'ouest de Ploërmel, l'itinéraire se prolonge vers Josselin puis Pontivy. Sur 70km, de Maure-de-Bretagne à Pontivy, on a un itinéraire d'une continuité étonnante, parfaitement aligné sur le parcellaire, et qui pourrait bien avoir une origine pré-romaine.
Y. Autret
2013-2018