Dernière révision : 2 janvier 2019
En 1990, un itinéraire antique sud-nord passant par Daoulas et franchissant l'Elorn au Froud, à un kilomètre à l'est du Passage de Plougastel, a été proposé par J.-Y. Eveillard [1].
Partant de Daoulas, il rejoint le fond de l'Anse de Penfoul et continue vers la chapelle Saint-Claude qui pourrait contenir des pierres d'origine romaine. De là, il rejoint Lanvrizan puis Difroud. Il passe à 200m à l'est de la chapelle de la Fontaine Blanche où une statuette d'un dieu antique de la fécondité a été retrouvée [2]. Il arrive au Froud au bord de l'Elorn.
On a ainsi un itinéraire d'apparence antique qui suit les fonds d'estuaires et arrive directement sur l'Elorn en passant par au moins un site gallo-romain important (la Fontaine-Blanche).
En suivant l'itinéraire, on est quand même amené à douter de son antiquité. Au Froud, la voie devait passer entre un énorme rocher et la rive gauche d'un ruisseau. A cet endroit, la distance entre le rocher et le bord du ruisseau est de 2,7m. De plus, le bord du ruisseau est instable. Le chemin actuel est stabilisé par la construction d'un enrochement cimenté. Sur la rive droite, la situation n'est guère meilleure en raison des rochers qui parsèment le sol. Une voie antique pouvait-elle passer au Froud ? La largeur courante de l'entreaxe d'un attelage romain étant voisine de 1,5m, si le cheval dévie de sa trajectoire de 50cm, la situation devient périlleuse. De plus, le conducteur de l'attelage doit faire un virage dans un espace étroit, ce qui réduit la marge d'erreur, et augmente le risque d'acrocher le rocher, ou de tomber dans le ruisseau.
A Saint-Claude, le chemin qui descend vers le ruisseau en direction de Lanvrizan semble trop pentu pour qu'un attelage puisse l'emprunter. De plus, il arrive juste en face d'un marais difficile à franchir.
Il y a bien un chemin qui vient de la Fontaine Blanche, passe par Lanvrizan et descend dans la vallée vers le marais en direction de Saint-Claude. D'après les observations qu'on a pu effectuer sur le terrain, le chemin ne semble pas franchir pas le ruisseau pour rejoindre Saint-Claude. Il s'arrête juste avant le marais où des talus et des fossés profonds semblent indiquer la présence d'un ancien camp fortifié protégé au sud par un marais.
Ces observations semblent montrer que l'hypothèse d'un passage antique au Froud est fausse. La découverte en décembre 2018 d'un vestige de voie à 300m au sud du Froud montre au contraire qu'une voie antique arrivant au Froud est très probable. On peut observer une levée de terre d'environ 10m de large bordée de fossés et de talus.
Ainsi, l'existence d'une voie antique entre Daoulas et le Froud ne fait plus gère de doute. La largeur réduite de la voie au Froud est peut-être dûe à l'aménagement d'une propriété sur la rive droite. Un chemin d'accès a été construit sur la rive droite. Des travaux de terrassements ont été réalisés et le ruisseau a peut-être été déplacé, ce qui a pu réduire la largeur du chemin sur la rive gauche. Il subsiste aussi une petite incertitude sur le tracé entre Saint-Claude et Lanvrizan. La voie antique faisait peut-être un léger détour par Pont Kalleg.
Au Froud, le chenal de l'Elorn a aujourd'hui une profondeur de 8m. A l'époque romaine, même si la profondeur était plus faible, un passage à gué aurait été impossible et il faut envisager un passage par bac. Au Froud, on peut constater que la voie se dirige vers un point situé à l'ouest de l'Anse de Kerhuon. Il est probable qu'elle rejoignait Brest en longeant la plage du Moulin-Blanc puis en passant près de l'actuelle église de Saint-Marc. Une branche pouvait également partir vers le nord (Guipavas).
Le passage du Froud semble avoir été abandonné très tôt au profit d'un autre situé à 1500m à l'ouest, le Passage de Plougastel appelé passage de Camfrout au Moyen Age.
Un passage de l'Elorn existait à Camfrout dès 1173 [3, p. 41]. Côté Plougastel-Daoulas, il devait être proche du lieu-dit Le Passage. Le chanoine Peyron a publié les textes anciens relatifs à ce passage [4] qui porte également le nom de Tréisguinec. On le confond parfois avec celui du Dreff/St-Jean situé à 2km à l'est. Une énumération des possessions faite à la fin du XVIIe siècle confirme que les noms Tréisguinec et Camfrout sont liés : « Camfrout prieuré simple nommé Treisquinet, au delà du passage de Plougastel, et possédé par un chanoine vaut 100 liv. » [4, p. 68]. Le passage du Dreff / St-Jean a sans doute été géré un moment, non pas par les moines de Daoulas, mais par les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem qui devaient y posséder la chapelle Saint-Jean.
Un texte de 1478 est encore plus explicite. Treisguinet est le nom côté Plougastel et Camfrout le nom côté Kerhuon : « Le 7 mai 1478, dans une pièce faite au nom du frère, Guillaume, abbé, nous lisons : Item un parc appelé An-Parc-Meren estant jouxte le chemin venant de Coetbechan au chemin des pèlerins d'un costé et la terre du Sr de Le Heuc de l'autre, près le village de Treizguinec, en Plougastel-Daoulas » [4, p. 145].
Coat-bechan (Coat-pechan) est indiqué dans le cadastre du XIXe siècle de Plougastel à 300m à l'est du Passage. La terre du seigneur de Le Heuc devait se trouver près du Passage puisqu'il a fait don de son droit de passage : « Le samedy fête de saint Berthelemi, 1399, visa par le seigneur évêque de Léon du don fait à l'abbaye par Hervé Le Heuc, de son droit au passage de Treizsquinec, à la charge de dire trois messes par semaine et d'un anniversaire à chant » [4, p. 123].
On peut penser que le chemin des pèlerins n'est autre que le chemin qui menait du Passage à Daoulas par Loperhet. Un texte mentionne deux hôpitaux sur cet itinéraire : « De mon côté moi G., évêque, ..., je lui concède en outre l'hôpital Saint-Jacques et l'hôpital de Treisguinec » [4, p. 63]. D'après le chanoine Peyron, G. n'est autre que Geoffroy, évêque de 1170 à 1185 [4, p. 60].
Saint-Jacques correspond vraisemblablement à Saint-Jacob, au bord de l'ancienne route de Daoulas au Passage, à 1km au nord-ouest du bourg de Loperhet. Au Moyen Age, le chemin par Loperhet devait être très fréquenté. On y trouve un hôpital ou une halte tous les 5km (Treisguinec au bord de l'Elorn, Saint-Jacob, Daoulas, l'Hôpital-Camfrout).
Le passage de Camfrout-Treisguinec existait-il à l'époque romaine ? Depuis l'Elorn, on peut suivre sur plus de 6km une voie d'apparence antique qui se dirige vers Daoulas. Peu après l'embranchement de la route de Plougastel, à Toull ar Roc'hou, le chemin est maintenant appelé Allée de la voie romaine. Il continue par Kroaz ar Biz et Saint-Jacob (Saint-Jacques).
A l'est du bourg de Loperhet, l'itinéraire n'a plus une apparence antique. Il passe à 100m au nord de l'église de Loperhet, franchit la vallée qui sépare Loperhet de Dirinon, passe au sud du château de Pennarun et près d'Ilbrat, s'embranche dans une route d'apparence médiévale qui continue vers Dirinon par la Grange, et s'en détache 500m avant la Grange pour rejoindre Daoulas.
Ce nouvel itinéraire est nettement plus direct que celui du Froud par Penfoul et la Fontaine-Blanche. A-t-il été créé dès l'époque romainenbsp;? Il faudrait trouver des traces de voie antique entre Loperhet et Daoulas
Un autre passage a existé au Dreff ou à Saint-Jean au Moyen-Age. Il a pu être géré par les Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem qui sont supposés être les fondateurs de la chapelle Saint-Jean au XIIe siècle. Une croix des environs du XIIe siècle marque le passage sur la rive nord, à Saint-Nicolas en Guipavas.
Au XIXe siècle, la compagnie des Vapeurs brestois avait aménagé un embarcadère à Saint-Jean pour permettre l'embarquement des passagers quel que soit le niveau de la marée [5, p. 106]. En 1890, le jour du pardon des Oiseaux, alors que la mer avait monté, l'embarcadère s'effondra et on dénombra 7 morts.
Le chemin arrivant au Dreff semble de détacher du chemin reliant Daoulas à Camfrout. L'embranchement pourrait se situer à 600m au nord-ouest de Saint-Jacob.
Y. Autret
Juillet-Décembre 2018
Janvier 2019