Dernière mise à jour 25 août 2018
A 17km au nord de Blain, L.-M. Bizeul a observé sur 16km une voie romaine orientée au nord-est. [1, pp. 167-185] (« Vers Chasteau-Briant et le Bas Maine »". Cette voie est toujours visible dans la forêt de la Domnaiche (commune de Lusanger, Loire-Atlantique) où elle a été étudiée par J.-C. Meuret [2, pp. 18-27] (« Une voie antique et ses mentions médiévales »").
Son origine et sa destination restent inconnues.
La voie romaine de Blain à Rennes franchit le Don à Pont Veix. Bizeul pense qu'une branche s'en détache peu après pour prendre la direction de Châteaubriant. Il a pu l'observer à partir du Chêne Rouaud sur la commune de Derval, à 2km au nord-est de Pont Veix :
"Mais au dessus du Chesne-Rouaud, elle devient fort apparente en remontant le coteau pour aller passer à 100 pas au S. du moulin à vent du Clairay vis-à-vis duquel elle traverse une pièce nouvellement enclose et défrichée, et dans laquelle l'agger a dû donner bien du mal aux défricheurs, car malgré la grande quantité de pierres qu'ils en ont tirée, cet agger ou dos d'âne est encore parfaitement marqué."
Plus à l'est, Bizeul perd la trace de la voie romaine pour la retrouver à l'est du Bois d'Indre:
"Il m'a été impossible de suivre la voie dans ces bois; mais, en en sortant par la nouvelle avenue que M. de la Haye-Jousselin a fait percer en ligne droite du Fouais-des-Bois à la grande route de Nantes à Rennes, on l'aperçoit tout près au Midi de la barrière sous la forme d'un gros sillon d'environ 30 pieds de largeur et de 2 pieds et demi d'épaisseur. Les contre-fossés ont à peu près disparu dans la lande, que la voie parcourt, pendant environ 300 mètres, pour aller couper la grande route, lande qui, n'ayant point été défrichée, aurait dû en conserver l'empreinte, si son sol argileux n'avait pas subi de dépression et n'avait pas été raviné par les eaux en quelques parties. Quoi qu'il en soit, on reconnaît parfaitement la voie, qui suit parallèlement au midi, et à quelques pieds de distance, la prolongation de l'avenue nouvelle dont j'ai parlé. Elle traverse la grande route dans cette même direction entre la 50e et la 51e borne, mais plus près de la 50e."
Bizeul indique ensuite que la voie passe à 1Km au sud de la Tirardière, à l'ouest de la Cochaudais où elle quitte la commune de Derval. Sur la commune de Lusanger, elle passe à la Chênais, près de la Chaussée, puis au Tertre Gicquel:
"Entre la chaussée et le Tertre-Gicquel, la voie est très apparente. Son agger, formé de grès quarzite, cassé à la grosseur du poing, est large d'une vingtaine de pieds. Sa direction est toujours Est-Est-Nord; et en la traçant sur la carte de Cassini, j'ai remarqué, comme sur le terrain, qu'elle suit une ligne régulièrement droite qu'aucune des autres voies que j'ai parcourues jusqu'ici. Cette rectitude dans le tracé pourra rendre moins incertaines quelques conjectures que j'énoncerai bientôt sur le point où tendait cette voie."
"Après le Tertre-Gicquel, elle descend à travers une lande vers la forêt de Domenesche. Là on la retrouve avec ses contre-fossés entre lesquels elle a une largeur de 60 pieds, bien que l'agger n'en ait que 20. Ailleurs ces contre-fossés ont généralement disparu, et, en quelques endroits, on pourrait croire qu'il n'en a jamais existé.
Le recouvrement en cailloux roulés manquand presque partout, m'a fait naître l'idée qu'on a négligé de le poser, soit à raison de la rarété de ces matériaux dans le pays, soit par toute autre cause."
Les photos satellites confirment les observations de Bizeul.
Dans la forêt de la Domnaiche, Bizeul n'arrive pas à suivre la voie. Un paysan lui apprend que dans le pays, la voie est appelée Chemin à la Jouyance.
La voie a été étudiée par J.-C. Meuret dans la forêt de la Domnaiche où elle est encore visible [2, pp 18-27] « Une voie antique et ses mentions médiévales »") ?>, là où Bizeul n'avait pa pu la suivre :
"Or, c’est dans la forêt seulement que la chaussée s’est conservée. Là, on peut la suivre sur 90 % de la traversée – ce que nous avons fait pas à pas sur tout son tracé – sous la forme d’un bombement bien marqué, visible en prospection pédestre dans le sous-bois, ainsi que sur les photographies satellitaires, mais de façon beaucoup moins nette. Elle suit un tracé parfaitement rectiligne qui traverse le massif d’ouest/sud-ouest à est/nord-est, depuis la d 775 jusqu’au chemin vicinal qui va du ChampÉtienne à Briangault, soit sur un parcours de 2,375 km."
J.-C. Meuret mentionne également l’acte LVIII du cartulaire de La Roë écrit entre 1116 et 1138. [3]. Le droit est accordé au prieuré de Breil-Ingaut (aujourd’hui en Sion-les-Mines) d'exploiter la forêt de Domenescha, notamment depuis la voie des "muri Gauterii" jusqu’à la "calciata". Avec les termes de "antiqua via" ou "via publica", le terme "calciata" (chaussée) désigne souvent une voie antique.
Une autre mention rapportée par J.C.Meuret concerne l'hébergement d'Herbert Marie qui est mentionné en 1248 dans une donation au prieuré de Béré. D'après la donation, l'hébergement d'Herbert Marie se trouve près de la route publique de Rubei Guerruei (publicam stratam rubei gerruei). D'après J.-C. Meuret, Herbert Marie pourrait correspondre au lieu Breil Herbert. Le terme Herbert pourrait être une contraction du terme herbergamentum (hébergement) employé dans le texte.
A l'est de la forêt de la Domnaiche, Bizeul retrouve la voie :
"J'ai reconnu aisément la voie, à l'endroit où elle sort de la forêt de Domenesche, et sur la lande au levant de cette forêt. Elle conserve toujours sa direction N.-E. et paraît tendre vers le village de la Goussequais ou Goussetière."
Bizeul n'a pas suivi la voie plus à l'est. Il s'est arrêté à 11km à l'ouest de Châteaubriant.
Sur la commune de Derval, dans le cadastre de 1844 (section E3), on trouve la mention "Voie romaine ou chaussée Joyance" [4]. C. Guette-Lahitte a repéré la voie sur des photos aériennes et retrouvé des vestiges. Le bombement caractéristique de la voie est bien visible dans un bois au nord de Lurdin.
Plus à l'est, sur la commune de Lusanger on dans le cadastre de 1844 (limite des sections G1 et H6) la mention "Chaussée romaine ou Joyance". Les segments de voie romaine indiqués dans le cadastre sont proches de la ligne droite qui relie la Cochaudais à la Chênais. Ils correspondent à la description de Bizeul.
A l'est de la Chênais, Bizeul décrit une route très droite entre la Chaussée et le Tertre-Gicquel. Il l'assimile à une voie romaine. Le cadastre de 1844 de Lusanger indique quant à lui un "Ancien chemin de Derval à Châteaubriant" qui passe par la Chaussée (sections H6, H5, H1). C'est vraisemblablement ce chemin qu'a observé Bizeul. La Chaussée étant nettement au nord d'une ligne droite passant par la Cochaudais et la Chênais, le chemin passant par la Chaussée est vraisemblablement une déviation médiévale pour passer par Derval. La voie antique que nous suivons passait au sud de la Chaussée dans la lande de Couëtoux.
Sur la commune de Saint-Aubin-des-Châteaux, le cadastre de 1830 mentionne une voie romaine à l'est de la forêt de la Domnaiche. Le tracé est compatible avec les observations archéologiques dans la forêt, et aussi avec les observations de Bizeul à l'est de la forêt.
L'existence d'une voie antique antique au sud-ouest de Châteaubriant peut difficilement être remise en cause. On dispose des observation de Bizeul et de trois mentions de voie romaine dans les cadastres du XIXe siècle (communes de Derval, Lusanger et Saint-Aubin-des-Châteaux). On dispose également de la mention "calciata" dans un texte du XIIe siècle, et de la mention "publicam stratam" dans un texte de 1248. Enfin, des traces de la voie sont encore visibles dans la forêt de la Domnaiche.
La question de l'origine et de la destination de la voie reste posée. La voie partait-elle de Blain ? La voie allait-elle vers Rougé ? Ou bien vers Châteaubriant ?
Y. Autret
Mai 2014
Remerciements à D. Pointeau et C. Guette-Lahitte pour les informations fournies